Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm. Страница 22

Lorsque le diable fut au lit et qu'il se fut endormi, la grand-mere souleva la grosse roche et laissa sortir le soldat. «As-tu bien fait attention a tout ce qui s'est dit?», demanda la vieille dame. «Oui, repondit le soldat, je sais ce qu'il faut savoir, et cela m'aidera beaucoup.» La-dessus, il sortit par la fenetre et s'empressa de retourner aupres de ses compagnons. Il leur expliqua comment le diable s'etait laisse posseder par sa propre grand-mere, et comment il avait finalement obtenu la solution de l'enigme. Les soldats furent tellement transportes de joie, qu'ils prirent chacun leur fouet, frapperent et claquerent tant et si bien que le sol fut tout recouvert d'or.

Quand les sept annees furent completement ecoulees, le diable se presenta avec son livre; il leur montra les signatures et leur dit: «Je vais vous emmener en enfer, et la, un repas vous sera servi. Celui qui saura me dire ce que vous recevrez comme repas, celui-la sera libre; il pourra partir et conserver son fouet.» Le premier soldat dit alors: «Dans la grande Mer du Nord, se trouve un poisson mort dont sera fait notre repas.» Voyant que le soldat avait su repondre, le diable se facha et grogna, puis il dit: «Celui qui saura me dire dans quoi seront taillees vos cuilleres, celui-la sera libre; il pourra partir et conserver son fouet.» Le second soldat repondit alors: «Dans une cote de baleine seront taillees nos cuilleres.» Le diable grimaca, grogna de nouveau, puis demanda au troisieme: «Et toi, sais-tu ce qui te servira en guise de coupe?» Le troisieme soldat repondit: «Un sabot de vieux cheval me servira en guise de coupe.» Le diable, qui n'avait desormais plus aucun pouvoir sur eux, s'envola en poussant un grand hurlement de colere.

Grace a leur fouet, les trois soldats purent frapper et claquer, et obtenir tout l'or qu'ils desiraient Et c'est ainsi qu'ils vecurent heureux jusqu'a leur dernier jour.

Les Douze freres

Il y avait une fois un roi et une reine qui vivaient ensemble en bonne intelligence. Ils avaient douze enfants, mais c'etaient douze garcons. Un jour le roi dit a la reine:

– Si le treizieme enfant que tu me promets est une fille, les douze garcons devront mourir, afin que l'heritage de leur s?ur soit considerable, et que le royaume tout entier lui appartienne.

Il fit donc construire douze cercueils qu'on remplit de copeaux; puis le roi les fit transporter dans un cabinet bien ferme, dont il donna la clef a la reine, en lui recommandant de n'en rien dire a personne.

Cependant, la mere etait en proie a un violent chagrin. Le plus jeune de ses fils, a qui elle avait donne le nom de Benjamin, s'apercut de sa peine et lui dit:

– Ma bonne mere, pourquoi es-tu si triste?

– Cher enfant, lui repondit-elle, je ne dois pas te le dire.

Mais l'enfant ne lui laissa point de repos, qu'elle ne l'eut conduit au cabinet mysterieux, et qu'elle ne lui eut montre les douze cercueils remplis de copeaux:

– Mon bien-aime Benjamin, lui dit-elle, ton pere a fait construire ces cercueil pour tes onze freres et pour toi, car si je mets au monde une petite fille, vous devez tous mourir et etre ensevelis la.

Et comme elle pleurait, l'enfant chercha a la consoler en lui disant:

– Ne pleure pas, nous saurons bien eviter la mort. La reine reprit:

– Va dans la foret avec tes onze freres, et que l'un de vous se tienne sans cesse en sentinelle sur la cime de l'arbre le plus eleve, les yeux tournes vers la tour du chateau. J'aurai soin d'y arborer un drapeau blanc si je mets au monde un garcon, et alors vous pourrez revenir sans danger; si au contraire je deviens mere d'une fille, j'y planterai un drapeau rouge comme du sang; alors hatez-vous de fuir bien loin, et que le bon Dieu vous protege.

Lorsque la reine eut donne sa benediction a ses fils, ceux-ci se rendirent dans la foret. Chacun d'eux eut son tour de faire sentinelle pour la surete des autres, en grimpant au haut du chene le plus eleve, et en tenant, de la, ses yeux fixes vers la tour. Quand onze jours furent passes, et que ce fut a Benjamin de veiller, il vit qu'un drapeau avait ete arbore, mais c'etait un drapeau rouge comme du sang, ce qui prouvait trop qu'ils devaient tous mourir. Lorsqu'il eut annonce la nouvelle a ses freres, ceux-ci s'indignerent et dirent:

– Sera-t-il dit que nous aurons du subir la mort pour une fille? Faisons serment de nous venger! Partout ou nous trouverons une jeune fille, son sang devra couler. Cela dit, ils allerent tous ensemble au fond de la foret, et a l'endroit le plus epais, ils trouverent une petite cabane miserable et deserte. Alors ils dirent:

– C'est ici que nous voulons fixer notre demeure et toi, Benjamin, comme tu es le plus jeune et le plus faible, tu resteras au logis et te chargeras du menage nous autres, nous irons a la chasse afin de nous procurer de la nourriture.

Ils allerent donc dans la foret, et tuerent des lievres, des chevreuils sauvages, des oiseaux et des pigeons; puis ils les rapporterent a Benjamin qui dut les preparer et les faire cuire pour apaiser la faim commune. C'est ainsi qu'ils vecurent pendant dix annees dans la foret; et ce temps leur parut court. Cependant la jeune fille que la mere avait mise au monde etait devenue grande sa beaute etait remarquable, et elle avait sur le front une etoile d'or. Un jour que se faisait la grande lessive, elle remarqua parmi le linge douze chemises d'homme, et demanda a sa mere:

– A qui appartiennent ces douze chemises, car elles sont beaucoup trop petites pour mon pere?

La reine lui repondit avec un soupir:

– Chere enfant, elles appartiennent a tes douze freres.

La jeune fille reprit:

– Ou sont donc mes douze freres? je n'en ai jamais entendu parler.

La reine repondit:

– Ou ils sont! Dieu le sait: ils sont errants par le monde.

Alors, entrainant avec elle la jeune fille, elle ouvrit la chambre mysterieuse, et lui montra les douze cercueils, avec leurs copeaux et leurs coussins funebres.

– Ces cercueils, lui dit-elle, etaient destines a tes freres; mais ils se sont echappes de la maison avant ta naissance.

Et elle lui raconta tout ce qui s'etait passe. Alors la jeune fille lui dit:

– Ne pleure pas, chere mere, je veux aller a la recherche de mes freres.

Elle prit donc les douze chemises, et se dirigea juste au milieu de la foret. Elle marcha tout le jour, et arriva vers le soir a la pauvre cabane. Elle y entra et trouva un jeune garcon, qui lui dit:

– D'ou venez-vous, et ou allez-vous?

A quoi elle repondit:

– Je suis la fille d'un roi, je cherche mes douze freres et je veux aller jusqu'a ce que je les trouve.

Et elle lui montra les douze chemises qui leur appartenaient. Benjamin vit bien alors que la jeune fille etait sa s?ur; il lui dit: