Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm. Страница 3
– Leve un peu tes regards! cria-t-il. Je suis ici en haut, installe dans le sac de la sagesse. J'y ai appris quantite de grandes choses en peu de temps. Les universites, avec tout ce qu'on peut y apprendre, ne sont que du vent a cote! Dans un petit moment, j'en aurai fini et je descendrai, sage entre tous les sages, et savant plus que tous les savants du monde. Je connais les etoiles et les signes du ciel, le souffle de tous les vents, les sables dans la mer, la guerison des maladies, les vertus des plantes, le langage des oiseaux et les secrets des pierres. Si tu y entrais une seule fois, tu sentirais et tu eprouverais la magnificence qui se repand hors du sac de la sagesse!
– Benie soit l'heure qui m'a fait te rencontrer! s'exclama l'etudiant, tout emerveille de ce qu'il venait d'entendre. Est-ce que je ne pourrais pas, moi aussi, tater un peu du sac de la sagesse? Rien qu'un tout petit peu… La-haut, l'homme du sac feignit de ne pas y consentir bien volontiers, montra de l'hesitation et finit par dire:
– Pour un petit moment, oui, mais contre recompense et gracieux remerciements. Et puis, il te faudra attendre encore une heure.- il me reste quelques petites choses a recevoir pour completer mon enseignement. Impatient, l'etudiant attendit sans rien dire un court moment, puis, n'y tenant plus, il supplia l'autre de le laisser se mettre dans le sac: sa soif de sagesse le torturait tellement! La-haut, l'homme du sac fit mine de se laisser toucher et convaincre.
– C'est entendu, dit-il, mais pour que je puisse sortir du temple de la connaissance, il faut que tu fasses descendre le sac au bout de sa corde, et alors tu pourras y entrer a ton tour! L'etudiant le fit descendre, denoua le lien du sac et libera le prisonnier.
– A moi, maintenant! cria-t-il aussitot, tout enthousiaste. Vite, hisse-moi la-haut! Deja il etait pret a se fourrer dans le sac, mais l'autre l'arreta: «Halte! Pas comme cela!» Et il l'attrapa par la tete et le fourra tete en bas dans le sac, noua la corde sur ses pieds et hissa, ainsi empaquete, le digne disciple de la sagesse, jusqu'au sommet de l'arbre ou il resta a se balancer, la tete en bas.
– Comment te sens-tu, mon cher confrere? lui cria-t-il d'en bas. Commences-tu a sentir deja l'infusion de la sagesse en toi? Pour mieux apprendre, tiens-toi tranquille et ne parle pas, surtout pas, jusqu'a ce que tu sois devenu pleinement sage! Et sur ces bonnes paroles, il monta le cheval de l'etudiant et s'en alla, mais non sans avoir averti quelqu'un au passage, pour qu'il vienne une heure plus tard le descendre de la.
Blanche Neige
C'etait l'hiver.
Une reine cousait, assise aupres d'une fenetre dont le cadre etait en bois d'ebene, tandis que la neige tombait a gros flocons.
En cousant, la reine se piqua le doigt et quelques gouttes de sang tomberent sur la neige. Le contraste entre le rouge du sang, la couleur de la fenetre et la blancheur de la neige etait si beau, qu'elle se dit:
– Je voudrais avoir une petite fille qui ait la peau blanche comme cette neige, les levres rouges comme ce sang, les yeux et les cheveux noirs comme les montants de cette fenetre.
Peu de temps apres, elle eut une petite fille a la peau blanche comme la neige, aux levres rouges comme le sang, aux yeux et aux cheveux noirs comme l'ebene. On l'appela Blanche neige. Mais la reine mourut le jour de sa naissance.
Un an plus tard le roi se remaria. Sa femme etait tres belle et tres jalouse. Elle possedait un miroir magique, don d'une fee, qui repondait a toutes les questions. Chaque matin, tandis que la reine se coiffait, elle lui demandait:
– Miroir, miroir en bois d'ebene, dis-moi, dis-moi que je suis la plus belle. Et, invariablement, le miroir repondait:
– En cherchant a la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas plus belle que toi.
Cependant, Blanche neige grandissait et devenait de plus en plus gracieuse.
Un jour ou, comme de coutume, la reine interrogeait son miroir, celui-ci repondit:
– Reine, tu etais la plus belle, mais aujourd'hui Blanche neige est une merveille.
A partir de ce moment, la reine se mit a hair Blanche neige. Enfin, n'y tenant plus, elle fit venir un de ses gardes et lui dit:
– Emmene cette enfant dans la foret et tue-la.
Le garde conduisit Blanche neige dans la foret, mais, comme il levait son couteau pour la tuer, il fut si emu par ses larmes et sa beaute qu'il n'acheva pas son geste. En s'eloignant, il pensa qu'elle serait bientot la victime des betes sauvages.
La pauvre Blanche neige demeuree seule dans la foret se mit a courir, trebuchant sur les cailloux. Vers le soir, alors que ses petits pieds ne pouvaient plus la porter, elle arriva aupres d'une jolie maisonnette et entra se reposer.
Elle y trouva une petite table dressee, avec sept petites assiettes et sept petits couverts. Contre le mur, il y avait sept petits lits, aux draps bien tires, blancs comme neige. Blanche neige, qui avait tres faim et tres soif, mangea un peu de la nourriture preparee dans chaque assiette et but une gorgee de vin dans chaque verre. Puis, comme elle etait tres fatiguee, elle se coucha et s'endormit immediatement.
Le soir, les habitants de la maisonnette arriverent. C'etaient sept nains qui cherchaient dans la montagne de l'or et des diamants.
Le premier nain, regardant autour de lui, vit une petite fille qui dormait couchee dans son lit. Il appela ses compagnons qui se precipiterent, elevant leurs lanternes pour mieux la voir.
– Oh, la jolie petite fille! s'ecrierent-ils.
Ils la laisserent dormir, la veillant avec amour.
Dessin de Walter Crane
Quand Blanche neige se reveilla et qu'elle vit les sept nains, elle eut d'abord peur. Mais ils etaient si doux et si souriants qu'elle se rassura bientot. Ils lui demanderent son nom et comment elle etait parvenue dans leur demeure.
La petite fille leur raconta son aventure. Les nains lui proposerent de rester avec eux.
– Tu t'occuperas de la maison, tu feras la cuisine, et tu raccommoderas notre linge…
Blanche neige remercia et accepta, toute heureuse.
Dans la journee, pendant que les nains etaient partis extraire l'or et les pierres precieuses de la montagne, la fillette restait seule. Mais ils lui avaient bien recommande de n'ouvrir a personne.
– Mefie-toi de ta belle-mere. Elle ne tardera pas a apprendre que tu es vivante, et viendra te rechercher jusqu'ici.
La reine croyait etre de nouveau la plus belle femme du monde. Un jour, elle voulut se le faire confirmer par son miroir. Le miroir repondit:
– Reine, tu etais la plus belle, mais Blanche neige au pays des sept nains, au-dela des monts, bien loin, est aujourd'hui une merveille.