Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm. Страница 8

Alors l'oiseau lui lanca une robe d'or et d'argent, ainsi que des pantoufles brodees de soie et d'argent. Elle mit la robe en toute hate et partit a la fete. Ni ses s?urs, ni sa maratre ne la reconnurent, et penserent que ce devait etre la fille d'un roi etranger, tant elle etait belle dans cette robe d'or. Elles ne songeaient pas le moins du monde a Cendrillon et la croyaient au logis, assise dans la salete, a retirer les lentilles de la cendre. Le fils du roi vint a sa rencontre, a prit par la main et dansa avec elle. Il ne voulut meme danser avec nulle autre, si bien qu'il ne lui lacha plus la main et lorsqu'un autre danseur venait l'inviter, il lui disait: «C'est ma cavaliere».

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Dessin de Walter Crane

Elle dansa jusqu'au soir, et voulut alors rentrer. Le fils du roi lui dit: «je m'en vais avec toi et t'accompagne», car il voulait voir a quelle famille appartenait cette belle jeune fille. Mais elle lui echappa et sauta dans le pigeonnier. Alors le prince attendit l'arrivee du pere et lui dit que la jeune inconnue avait saute dans le pigeonnier. «Serait-ce Cendrillon?» se demanda le vieillard et il fallut lui apporter une hache et une pioche pour qu'il put demolir le pigeonnier. Mais il n'y avait personne dedans. Et lorsqu'ils entrerent dans la maison. Cendrillon etait couchee dans la cendre avec ses vetements sales, et une petite lampe a huile brulait faiblement dans la cheminee; car Cendrillon avait prestement saute du pigeonnier par-derriere et couru jusqu'au noisetier; la, elle avait retire ses beaux habits, les avait poses sur la tombe, et l'oiseau les avait remportes; puis elle etait allee avec son vilain tablier gris se mettre dans les cendres de la cuisine.

Le jour suivant, comme la fete recommencait et que ses parents et ses s?urs etaient de nouveau partis, Cendrillon alla sous le noisetier et dit:

«Petit arbre, ebranle-toi, agite-toi,

jette de l'or et de l'argent sur moi.»

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Dessin de Walter Crane

Alors l'oiseau lui lanca une robe encore plus splendide que celle de la veille. Et quand elle parut a la fete dans cette toilette, tous furent frappes de sa beaute. Le fils du toi, qui avait attendu sa venue, la prit aussitot par la main et ne dansa qu'avec elle. Quand d'autres venaient l'inviter, il leur disait: «C'est ma cavaliere.» Le soir venu, elle voulut partir, et le fils du roi la suivit, pour voir dans quelle maison elle entrait, mais elle lui echappa et sauta dans le jardin derriere sa maison. Il y avait la un grand et bel arbre qui portait les poires les plus exquises, elle grimpa entre ses branches aussi agilement qu'un ecureuil, et le prince ne sut pas ou elle etait passee. Cependant il attendit l'arrivee du pere et lui dit:

– La jeune fille inconnue m'a echappe, et je crois qu'elle a saute sur le poirier.

«Serait-ce Cendrillon?» pensa le pere qui envoya chercher la hache et abattit l'arbre, mais il n'y avait personne dessus. Et quand ils entrerent dans la cuisine, Cendrillon etait couchee dans la cendre, tout comme d'habitude, car elle avait saute en bas de l'arbre par l'autre cote, rapporte les beaux habits a l'oiseau du noisetier et revetu son vilain tablier gris. Le troisieme jour, quand ses parents et ses s?urs furent partis, Cendrillon retourna sur la tombe de sa mere et dit au noisetier:

«Petit arbre, ebranle-toi, agite-toi,

jette de l'or et de l'argent sur moi.»

Alors l'oiseau lui lanca une robe qui etait si somptueuse et si eclatante qu'elle n'en avait encore jamais vue de pareille, et les pantoufles etaient tout en or. Quand elle arriva a la noce dans cette parure, tout le monde fut interdit d'admiration. Seul le fils du roi dansa avec elle, et si quelqu'un l'invitait, il disait: «C'est ma cavaliere.»

Quand ce fut le soir, Cendrillon voulut partir, et le prince voulut l'accompagner, mais elle lui echappa si vite qu'il ne put la suivre. Or le fils du roi avait eu recours a une ruse: il avait fait enduire de poix tout l'escalier, de sorte qu'en sautant pour descendre, la jeune fille y avait laisse sa pantoufle gauche engluee. Le prince la ramassa, elle etait petite et mignonne et tout en or.

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Dessin de Walter Crane

Le lendemain matin, il vint trouver le vieil homme avec la pantoufle et lui dit:

– Nulle ne sera mon epouse que celle dont le pied chaussera ce soulier d'or.

Alors les deux s?urs se rejouirent, car elles avaient le pied joli. L'ainee alla dans sa chambre pour essayer le soulier en compagnie de sa mere. Mais elle ne put y faire entrer le gros orteil, car la chaussure tait trop petite pour elle; alors sa mere lui tendit un couteau en lui disant:

– Coupe-toi ce doigt; quand tu seras reine, tu n’auras plus besoin d'aller a pied.

Alors la jeune fille se coupa l'orteil, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouver le fils du roi. Il la prit pour fiancee, la mit sur son cheval et partit avec elle. Mais il leur fallut passer devant la tombe; les deux petits pigeons s'y trouvaient, perches sur le noisetier, et ils crierent:

«Roucou-cou, roucou-cou et voyez la,

Dans la pantoufle, du sang il y a:

Bien trop petit etait le soulier;

Encore au logis la vraie fiancee.»

Alors il regarda le pied et vit que le sang en coulait. Il fit faire demi-tour a son cheval, ramena la fausse fiancee chez elle, dit que ce n'etait pas la veritable jeune fille et que l'autre s?ur devait essayer le soulier. Celle-ci alla dans sa chambre, fit entrer l’orteil, mais son talon etait trop grand. Alors sa mere lui tendit un couteau en disant:

– Coupe-toi un bout de talon; quand tu seras reine, tu n'auras plus besoin d'aller a pied.

La jeune fille se coupa un bout de talon, fit entrer de force son pied dans le soulier et, contenant sa douleur, s'en alla trouver le fils du roi. Il la prit alors pour fiancee, la mit sur son cheval et partit avec elle. Quand ils passerent devant le noisetier, les deux petits pigeons s'y trouvaient perches et crierent:

«Roucou-cou, roucou-cou et voyez la,

Dans la pantoufle, du sang il y a:

Bien trop petit etait le soulier;

Encore au logis la vraie fiancee.»

Le prince regarda le pied et vit que le sang coulait de la chaussure et teintait tout de rouge les bas blancs. Alors il fit faire demi-tour a son cheval, et ramena la fausse fiancee chez elle.

– Ce n'est toujours pas la bonne, dit-il, n'avez-vous point d'autre fille?

– Non, dit le pere, il n'y a plus que la fille de ma defunte femme, une miserable, Cendrillon, malpropre, c'est impossible qu'elle soit la fiancee que vous cherchez.

Le fils du roi dit qu'il fallait la faire venir, mais la mere repondit:

– Oh non! la pauvre est bien trop sale pour se montrer.