Contes merveilleux, Tome I - Andersen Hans Christian. Страница 47

– Mais ils n'ont pas nos choux verts, dit la poule. J'ai passe un ete a la campagne avec mes poussins, il y avait un coin de gravier ou nous pouvions gratter, et puis il y avait une sortie vers un potager plein de choux verts. Oh! qu'ils etaient verts. Je ne peux rien m'imaginer de plus beau.

– Mais un chou est pareil a un autre, dit l'hirondelle, et puis il fait souvent si mauvais temps ici.

– Oui mais on y est bien habitue.

– Et puis il fait froid, on gele ici.

– Cela fait beaucoup de bien au chou. D'ailleurs, il arrive que nous ayons chaud. Il y a quatre ans, nous avons eu un ete qui a dure cinq semaines ou il faisait si chaud qu'on suffoquait. Et puis, nous n'avons pas de ces betes venimeuses qu'ils ont la-bas et nous n'avons pas de brigands. C'est une honte de ne pas trouver notre pays le plus beau du monde. Vous ne meriteriez pas d'y vivre.

– Moi aussi, j'ai voyage. J'ai fait plus de douze lieues en voiture, dans un panier, et je vous assure qu'un voyage n'a rien d'agreable.

– La poule est une femme raisonnable, dit la poupee Bertha. Moi non plus je n'aime pas voyager dans les montagnes pour monter et descendre tout le temps! Nous allons tout simplement nous installer la-bas sur le gravier et nous nous promenerons dans le jardin aux choux.

Et on en resta la.

Samedi

– Vas-tu me raconter des histoires maintenant? dit le petit Hjalmar.

– Nous n'avons pas le temps ce soir, dit Ole en ouvrant au-dessus du petit son plus beau parapluie. Regarde ces Chinois!

Et tout le parapluie ressemblait a une grande coupe chinoise ornee d'arbres bleus et de ponts arques sur lesquels des petits Chinois hochaient la tete.

– Il faut que le monde entier soit astique pour demain, dit encore Ole, car c'est dimanche. Mon plus grand travail sera de descendre toutes les etoiles pour les astiquer aussi. Je les prends toutes dans mon tablier mais il faut d'abord les numeroter et mettre le meme chiffre dans les trous ou elles sont fixees la-haut afin de les remettre a leur bonne place.

– Non, ecoutez Monsieur Ferme-l'oeil, vous exagerez, s'ecria un portrait accroche sur le mur contre lequel dormait le petit garcon. Je suis l'arriere grand-pere de Hjalmar. Merci de lui raconter des histoires, mais vous ne devriez pas lui fausser ses notions. On ne peut pas decrocher les etoiles et les polir.

– Merci a toi, vieil arriere-grand-pere, mais moi je suis encore plus ancien que toi, je suis un vieux paien, les Romains et les Grecs m'appelaient le dieu des Reves. J'ai toujours frequente les plus nobles maisons et j'y vais encore; je sais parler aux petits et aux grands! Tu n'as qu'a raconter a ton idee maintenant.

Ole Ferme-l'oeil partit la-dessus en emportant son parapluie.

Dimanche

– Bonsoir, dit Ole Ferme-l'oeil, et Hjalmar le salua, puis il se leva et retourna contre le mur le portrait de l'arriere-grand-pere afin qu'il ne prit pas part a la conversation comme la veille.

– Voila! tu vas me raconter des histoires, celle des «Cinq pois verts qui habitaient la meme cosse», celle de «l'Os de coq qui faisait la cour a l'os de poule», celle de «l'Aiguille a repriser si fiere d'elle-meme qu'elle se figurait etre une aiguille a coudre».

– Il ne faut pas abuser des meilleures choses! dit Ole Ferme-l'oeil, je vais plutot te montrer quelqu'un; je vais te montrer mon frere, il s'appelle aussi Ole Ferme-l'oeil mais ne vient jamais plus d'une fois chez quelqu'un et quand il vient, il le prend avec lui sur son cheval et il raconte: oh! quelles histoires! Il n'en sait que deux: une si merveilleusement belle que personne au monde ne pourrait l'imaginer, une si affreuse et si cruelle-impossible de la decrire.

Et puis il eleva dans ses bras le petit Hjalmar jusqu'a la fenetre et lui dit:

– Regarde! voila mon frere, l'autre Ole Ferme-l'oeil qu'on appelle aussi la Mort. Tu vois, il n'a pas du tout l'air mechant comme dans les livres d'images ou il n'est qu'un squelette, non, son costume est brode d'argent et c'est un bel uniforme de hussard, une cape de velours noir flotte derriere lui sur le cheval et il va au galop!

Hjalmar vit comment Ole Ferme-l'oeil galopait en entrainant des jeunes et des vieux sur son cheval, il en placait certains devant lui et d'autres derriere, mais toujours d'abord il demandait:

– Et comment est ton carnet de notes?

Tous repondaient: «Excellent.»

– Faites-moi voir ca! disait-il et il fallait lui montrer le carnet.

Ceux qui avaient «Tres bien» ou «Excellent» venaient devant et ils entendaient une merveilleuse histoire, ceux qui n'avaient que «Passable» ou «Mediocre», allaient derriere et entendaient l'histoire horrible. Ils tremblaient et pleuraient, ils voulaient sauter a bas du cheval mais ils ne le pouvaient plus, ils etaient enchaines a l'animal.

– Mais la Mort est un tres gentil Ole Ferme-l'oeil numero deux, dit Hjalmar, je n'en ai pas peur du tout.

– Il ne faut pas en avoir peur, dit Ole, il faut seulement veiller a avoir un bon carnet de notes.

– Ca, c'est un bon enseignement! murmura le portrait de l'arriere-grand-pere, il est toujours utile de donner son avis!

Et il etait fort satisfait.

Et ceci est l'histoire d'Ole Ferme-l'oeil, il viendra surement ce soir vous en raconter lui-meme bien davantage.