Catherine Il suffit d'un amour Tome 1 - Бенцони Жюльетта. Страница 48

Il etait, comme a son habitude, tout vetu de noir, impassible et glacial mais somptueux grace a une lourde chaine de rubis passee autour de son cou et a l'enorme escarboucle sanglante qui rutilait a son chaperon. Un valet le suivait, porteur d'un coffret couvert d'une housse pourpre frangee d'or.

Lorsqu'elle eut vu la haute silhouette noire disparaitre a l'interieur de la maison, Catherine s'ecarta de la fenetre et alla s'asseoir sur son lit, attendant qu'on l'appelat. Il faisait chaud, malgre l'epaisseur des murs qui gardaient bien la fraicheur. Et pourtant, la jeune fille frissonna dans sa robe argentee. Une angoisse insurmontable s'emparait d'elle a cette minute ou il allait lui falloir affronter le regard de l'homme condamne a mort. Les mains glacees, elle se mit a trembler de tous ses membres, prise d'une folle panique. Dents claquantes mais la tete en feu, elle regarda autour d'elle, cherchant eperdument un trou, une issue par ou s'enfuir car la seule idee de rencontrer Garin, de toucher sa main peut-etre, la laissait sans forces et faible jusqu'a la nausee.

Les bruits de la maison lui parvenaient, etouffes mais menacants. Au prix d'un effort, elle s'arracha de son lit, se traina vers la porte en se retenant aux murs. Elle n'etait plus capable de raisonner sainement.

Elle n'etait plus qu'animale terreur. Sa main se crispa sur la serrure ciselee dont les volutes de fer blesserent son index ou perla une goutte de sang. Mais elle ne parvint pas a ouvrir tant elle tremblait. Pourtant, la porte s'ouvrit. Sara parut. Elle poussa un petit cri en decouvrant Catherine, bleme jusqu'aux levres, derriere le battant.

— Que fais-tu la ? Viens ! On te demande.

— Je... je ne peux pas ! balbutia la jeune fille. Je ne peux pas y aller !

Sara l'empoigna aux deux epaules et se mit a la secouer sans menagements. Les traits de son visage brun s'etaient durcis jusqu'a lui faire une sorte de masque barbare, cisele dans quelque bois exotique.

— Quand on a le courage de souhaiter certaines choses, on a aussi celui de les regarder en face, declara-t-elle sans ambages. Messire Garin t'attend !

Elle se radoucit en voyant des larmes jaillir des prunelles violettes.

Lachant Catherine, elle s'en alla, en haussant les epaules, mouiller un linge a l'aiguiere d'argent de la toilette. Apres quoi elle en aspergea vigoureusement le visage de la jeune fille. Les couleurs y reparurent aussitot. Catherine respira profondement. Sara aussi.

— Voila qui est mieux ! Viens a present et tache de faire bonne contenance, fit-elle en glissant son bras sous celui de Catherine pour l'entrainer vers l'escalier.

Incapable desormais de la moindre reaction, celle- ci se laissa emmener docilement.

Les tables du diner avaient ete dressees dans la grande salle du premier etage et adossees a la cheminee sans feu. En entrant, Catherine vit Marie de Champdivers assise dans son fauteuil habituel et, dans l'encoignure de la fenetre, son epoux qui s'entretenait a mi-voix avec Garin de Brazey.

C'etait la seconde fois que, sous le toit des Champdivers, elle rencontrait le grand argentier mais le choc qu'elle ressentit en recevant sur elle le regard appreciateur de son ?il unique, c'etait bien la premiere fois qu'elle l'eprouvait. Quand il etait venu a l'hotel de la rue Tatepoire, au soir de l'installation de Catherine, il ne s'etait guere occupe d'elle. Quelques paroles indifferentes, si banales que la jeune fille n'en avait pas garde le souvenir. Il avait passe presque toute la soiree a discuter avec Guillaume de Champdivers, abandonnant sa future epouse a elle-meme et a la bonte de Marie. Attitude dont Catherine lui avait d'ailleurs ete tres reconnaissante, car elle lui enlevait des scrupules.

Pensant que les choses se passeraient encore de la meme facon, elle se dirigea vers les deux hommes pour leur souhaiter le bonsoir. Mais, la voyant venir, ils avaient interrompu leur conversation et s'etaient leves. Les yeux baisses de Catherine ne lui permirent pas de voir l'expression de surprise emerveillee qui s'etendit sur leurs deux visages et que Garin traduisit poetiquement.

— L'aurore d'un jour d'ete n'est pas plus belle. Vous etes une merveilleuse apparition, ma chere !

Tout en parlant, il courbait sa haute taille en un salut profond, la main sur le c?ur, en reponse a la reverence de la jeune fille.

Champdivers aussi s'inclina, un sourire satisfait sur son visage de furet. Une telle beaute avait des chances de retenir longtemps le c?ur volage de Philippe le Bon et Champ- divers entrevoyait une longue suite de profits et d'honneurs en recompense du service rendu. Pour un peu il se fut frotte les mains...

Cependant, Garin avait appele aupres de lui, d'un geste sec, le valet qui l'avait accompagne et qui attendait dans un coin, portant toujours la cassette de velours pourpre. L'argentier ouvrit le coffret. Son contenu concentra aussitot toute la lumiere des hautes torcheres de fer. Ses longues mains habiles en tirerent un lourd et magnifique collier d'or, aussi large et long qu'un ordre de chevalerie. Les entrelacs, formant des feuilles et des fleurs, etaient sertis d'enormes amethystes pourpres, d'un eclat et d'une purete rares, ainsi que de belles perles a l'orient sans defaut. Un cri d'admiration generale salua l'apparition de cette merveille que Garin fit suivre aussitot d'une paire de pendants d'oreilles assortis.

— J'aime infiniment la couleur violette qui est celle de vos yeux, Catherine, fit-il de sa voix lente et grave. Elle convient a vos cheveux d'or et a votre teint si pur. Aussi ai-je fait composer pour vous, a Anvers, cette parure. Les pierres en viennent d'une lointaine chaine de montagnes, aux confins de l'Asie, les monts Oural. La reussite de ce collier represente une somme enorme de courage et de devouement de la part d'hommes qui ne connaissent pas la peur. Et je voudrais vous le voir porter avec plaisir, car l'amethyste est la pierre de la sagesse...

et de la chastete.

Tandis qu'il deposait le collier sur les mains tremblantes de Catherine, celle-ci rougit violemment :

— Je le porterai avec plaisir puisqu'il me vient de vous, messire, dit-elle d'une voix si eteinte que tout le monde ne l'entendit pas. Vous plairait-il de me le passer au cou ?

Le geste de refus horrifie du grand argentier eut quelque chose de comique.

— Avec cette robe rose ? Oh, ma chere, quelle heresie ! Je veillerai a ce que l'on vous fasse une toilette assortie a cette parure afin de bien la mettre en valeur. Maintenant, donnez-moi votre main.

Du fond du coffret sur lequel il se penchait a nouveau, Garin tirait un simple anneau d'or torsade qu'il glissa a l'annulaire de la jeune fille.

Ceci, dit-il gravement, est le gage de nos accordailles. Les ordres de Monseigneur le Duc sont que notre mariage soit celebre a la Noel, une fois le deuil de Cour termine. Il souhaite, et c'est un grand honneur, assister personnellement a la ceremonie ou, peut-etre, il sera temoin. Maintenant, prenez ma main et passons a table.

Catherine se laissa conduire sans resistance. Elle se sentait deroutee mais le malaise de tout a l'heure se dissipait. Garin avait une maniere a lui de mettre les choses au point et de regler les evenements qui leur enlevait un peu de leur angoissant mystere. On sentait que, pour cet homme riche et puissant, tout etait simple. D'autant plus simple qu'aucune sentimentalite ne trouvait place dans ses paroles ni dans ses actes. Qu'il offrit une fortune en joyaux ou qu'il passat au doigt d'une jeune fille un anneau le liant a elle pour la vie, ne creait aucune difference dans le son de sa voix. Sa main ne tremblait pas. Son ?il demeurait froid, lucide. Un instant, alors qu'elle prenait place aupres de lui a la table ou ils devaient partager le meme plat d'argent1, Catherine se surprit a se demander ce que pourrait etre sa vie dans l'ombre d'un tel homme.

Il etait plutot imposant mais son caractere paraissait egal et calme, sa generosite sans limite. La jeune fille pensait que, peut-etre, un tel mariage eut presente d'agreables aspects si, comme dans tout mariage justement, il n'y avait eu cette irritante, cette rebutante question de l'intimite conjugale. Et surtout, si elle n'avait traine au fond d'elle-meme le douloureux souvenir de l'auberge du Grand-Charlemagne, si cruel encore que la seule evocation d'Arnaud suffisait a lui mettre les larmes aux yeux.