Catherine Il suffit d'un Amour Tome 2 - Бенцони Жюльетта. Страница 31
Catherine sentit les mains de Landry tatonner sur ses epaules. Elles s'y appuyerent un instant. Un baiser se posa sur son front.
— Courage ! souffla Landry... A demain !
Elle l'entendit marcher vers la cheminee, pietiner les brindilles craquantes et jurer sourdement tandis qu'il cherchait le bout de la corde qu'il avait laissee pendre dans le conduit de fumee. Ensuite, il y eut l'espece de gemissement qu'il poussa dans son effort pour s'enlever a la force des poignets, la chute molle de la suie arrachee par son passage, puis plus rien... Une fois encore Catherine se retrouvait livree a la nuit, au froid... a la solitude. Elle se pelotonna de son mieux dans l'epaisse casaque du jeune homme ramenant la paille tout autour d'elle, et voulut essayer de dormir. Mais le lourd sommeil qui l'avait envahie au moment de l'arrivee de son ami paraissait enfui bien loin. Catherine ne pouvait meme pas clore les paupieres. L'espoir, en revenant a elle, avait cause en meme temps un invincible enervement. Les heures qui la separaient du retour de Landry lui semblaient monstrueusement longues... une eternite de minutes, de secondes. Et, chose encore plus etrange, la peur revint du meme coup.
L'imagination en mouvement de Catherine se mit a trotter comme une folle. La somme de perils courus par le jeune homme lui parut enorme et son cerveau surchauffe s'en exagera la gravite. Il pouvait tomber dans sa perilleuse descente, rencontrer l'enorme Fagot, d'autres hommes peut-etre...
Toute sa vie a elle, tout son espoir etaient suspendus a cette unique existence d'un homme jeune et courageux, mais qui pouvait trouver plus fort que lui.
Si Landry perissait, soit en sortant, soit en revenant le lendemain, nul ne saurait ce qu'il etait advenu d'elle. Catherine serait livree, sans defense, a l'abominable Fagot, aux caprices sadiques de Garin sans que personne d'autre put venir a son secours...
Comme pour augmenter ses angoisses, un long hurlement eclata au-dehors dans les profondeurs de la nuit et la prisonniere retint un cri de terreur...
Il lui fallut un moment pour se rendre compte qu'il s'agissait seulement de l'appel d'un loup et non pas d'un rale d'agonie. Et les battements affoles de son c?ur ne se calmerent qu'apres de longues minutes. En se serrant peureusement contre la muraille, elle sentit sous sa main le poignard que Landry lui avait laisse, s'en empara et le glissa dans son corsage. Le froid de la gaine de cuir lui fit du bien. Cette arme, c'etait une presence rassurante...
c'etait surtout, s'il arrivait malheur a Landry, le moyen d'en finir une bonne fois avec la souffrance, la peur, la faim... L'idee d'avoir maintenant une porte de sortie, desesperee mais definitive, raffermit son courage. Ses muscles douloureux et crispes se detendirent, un peu de chaleur revint a ses doigts glaces. La main sur son corsage, comme pour mieux proteger la dague salvatrice, elle s'etendit en arrangeant le collier de fer de la maniere la moins genante et ferma les yeux. Un sommeil leger, nerveux s'empara d'elle, coupe de sursauts et de brefs cauchemars.
Un rai de lumiere sous la porte et le grincement des verrous precautionneusement tires l'arracherent brusquement a ce mauvais sommeil et la jeterent contre le mur, hagarde, le c?ur fou et la sueur a l'echine. La nuit etait toujours aussi noire et Catherine n'avait aucun moyen de savoir a quel point de son cours elle en etait. La jeune femme ne devinait que trop ce qui allait suivre. Les precautions memes prises par Fagot pour entrer chez elle disaient assez qu'il esperait la trouver endormie... Le grincement continuait, leger, leger... Si Catherine n'avait dormi d'un sommeil aussi inquiet, elle eut pu ne rien entendre.
La porte s'entrebailla peu a peu. La repoussante figure de Fagot se glissa dans la fente, a contrejour. Il avait du accrocher quelque part au-dehors la torche dont les flammes dansantes dessinaient des ombres fantastiques sur la porte... Une fois entre, il repoussa le battant derriere lui. La nuit devint opaque mais Catherine, terrifiee, pouvait entendre le souffle court de la brute. Elle chercha febrilement dans son sein la dague de Landry, la tira de sa gaine et la tint serree dans sa main. L'odeur affreuse de Fagot emplit ses narines au moment ou les grosses mains moites s'abattaient sur elle avec une effrayante decision.
L'une la saisit a la gorge, l'autre cherchait a se glisser autour de sa taille...
Prise de panique, le c?ur souleve de degout, Catherine cessa de raisonner.
Son bras s'eleva, s'abattit... Fagot poussa un hurlement de douleur et la lacha.
— Va-t'en..., souffla Catherine entre ses dents, va-t'en ou je te tue si tu oses encore me toucher...
Sans doute la douleur avait-elle declenche la crainte dans le cerveau epais du geolier, car il se mit a gemir comme un animal, a petits haletements courts... Mais il s'eloignait. La porte se rouvrit, Catherine le vit s'enfuir en tenant sa main sur son epaule... Ses plaintes lui parvinrent encore quelque temps et elle constata que, dans son affolement, il n'avait pas referme la porte completement, car les verrous n'avaient pas fait de bruit... L'alerte passee, Catherine decida d'attendre le jour. Elle avait eu trop peur pour pouvoir encore dormir.
L'aube grisatre vint apres un temps qui lui parut interminable. Elle poussa un soupir de soulagement en voyant l'ogive de la fenetre devenir de plus en plus claire. Enfin, le jour revenait et chassait les terreurs de la nuit !
Catherine reprit confiance. Si tout allait bien, la nuit qui se terminait serait la derniere vecue par elle dans cette prison... Elle se sentait affreusement lasse et malade. A nouveau la faim la torturait mais l'espoir qui souleve les montagnes la soutenait. Elle savait qu'il la soutiendrait ainsi jusqu'au soir mais que, si Landry manquait au rendez-vous, la deception serait si cruelle qu'elle entrainerait avec elle tout ce qui restait en Catherine du gout de vivre.
Cette nuit, elle serait libre, ou elle serait morte...
La journee se traina, d'autant plus longue que Fagot, peureux ou assoiffe de vengeance, oublia une fois de plus de porter a manger a la prisonniere.
Catherine dut se contenter d'un peu d'eau et songea avec tristesse qu'elle n'aurait aucun mal a eteindre le feu dans la cheminee. Le froid semblait plus vif que la veille, mais la casaque de cuir de Landry la protegeait assez bien contre ses morsures. Quand le bref jour encore hivernal commenca a decroitre, Catherine se sentit devenir febrile. Dans combien de temps Landry viendrait-il ? Attendrait-il que la nuit fut bien installee, qu'il n'y eut plus a craindre d'etre vu de qui que ce soit dans la campagne ? Catherine ne pouvait repondre a cette question, mais elle penchait pour une arrivee tardive.
Landry, sans doute, voudrait mettre toutes les chances de son cote. De meme que, le matin, elle avait regarde avec joie s'eclairer sa fenetre, elle la regarda se dissoudre dans l'ombre sans pouvoir se defendre d'une vague apprehension. La nuit n'avait pas perdu pour la prisonniere son pouvoir malefique de ramener l'angoisse...
Un bruit de pas dans l'escalier du donjon la fit sursauter. Quelqu'un montait... deux personnes au moins, car elle pouvait distinguer deux voix dont l'une etait celle, a peine distincte, de Fagot. Catherine n'en pouvait plus d'avoir peur et, a la crainte de ce qui s'approchait d'elle a cet instant se joignait une atroce deception. C'etait peut-etre Garin qui revenait... qui avait trouve un autre moyen de la torturer... Qui pouvait savoir quelle nouvelle invention aurait germe dans ce cerveau malade ? S'il avait decide tout a coup de la changer de prison, de l'enfoncer dans quelque cachot souterrain sans air et sans lumiere ou nul, pas meme Landry, ne pourrait plus l'atteindre ? Le c?ur de Catherine lui faisait mal a force de cogner dans sa poitrine. Quand la porte s'ouvrit, elle faillit crier.