La Tempête - Шекспир Уильям. Страница 14
ADRIAN.-Suivez-nous, je vous prie.
(Ils sortent.)
Fin du troisième acte.
ACTE QUATRIÈME
SCÈNE I
(Le devant de la grotte de Prospero.)
Entrent PROSPERO, FERDINAND ET MIRANDA.
PROSPERO, à Ferdinand.-Si je vous ai puni trop sévèrement, tout est réparé par la compensation que je vous offre, car je vous ai donné ici un fil de ma propre vie, ou plutôt celle pour qui je vis. Je la remets encore une fois dans tes mains. Tous tes ennuis n'ont été que les épreuves que je voulais faire subir à ton amour, et tu les as merveilleusement soutenus. Ici, à la face du ciel, je ratifie ce don précieux que je t'ai fait. O Ferdinand, ne souris point de moi si je la vante; car tu reconnaîtras qu'elle surpasse toute louange, et la laisse bien loin derrière elle.
FERDINAND.-Je le croirais, un oracle m'eût-il dit le contraire.
PROSPERO.-Reçois donc ma fille comme un don de ma main, et aussi comme un bien qui t'appartient pour l'avoir dignement acquis. Mais si tu romps le noeud virginal avant que toutes les saintes cérémonies aient été accomplies dans la plénitude de leurs rites pieux, jamais le ciel ne répandra sur cette union les douces influences capables de la faire prospérer; la haine stérile, le dédain au regard amer, et la discorde, sèmeront votre lit nuptial de tant de ronces rebutantes, que vous le prendrez tous deux en haine. Ainsi, au nom de la lampe d'hymen qui doit vous éclairer, prenez garde à vous.
FERDINAND.-Comme il est vrai que j'espère des jours paisibles, une belle lignée, une longue vie accompagnée d'un amour pareil à celui d'aujourd'hui, l'antre le plus sombre, le lieu le plus propice, les plus fortes suggestions de notre plus mauvais génie, rien ne pourra amollir mon honneur jusqu'à des désirs impurs; rien ne me fera consentir à dépouiller de son vif aiguillon ce jour de la célébration, que je passerai à imaginer que les coursiers de Phoebus se sont fourbus, ou que la nuit demeure là-bas enchaînée.
PROSPERO.-Noblement parlé. Assieds-toi donc, et cause avec elle; elle est à toi.-Allons, Ariel, mon ingénieux serviteur, mon Ariel!
(Entre Ariel.)
ARIEL.-Que désire mon puissant maître? me voici.
PROSPERO.-Toi et les esprits que tu commandes, vous avez tous dignement rempli votre dernier emploi. J'ai besoin de vous encore pour un autre artifice du même genre. Pars, et amène ici, dans ce lieu, tout ce menu peuple des esprits sur lesquels je t'ai donné pouvoir. Anime-les à de rapides mouvements, car il faut que je fasse voir à ce jeune couple quelques-uns des prestiges de mon art. C'est ma promesse, et ils l'attendent de moi.
ARIEL.-Immédiatement?
PROSPERO.-Oui, dans un clin d'oeil.
ARIEL.-Vous n'aurez pas dit va et reviens, et respiré deux fois et crié allons, allons, que chacun, accourant à pas légers sur la pointe du pied, sera devant vous avec sa moue et ses grimaces. M'aimez-vous, mon maître? non?
PROSPERO.-Tendrement, mon joli Ariel. N'approche pas que tu ne m'entendes appeler.
ARIEL.-Oui, je comprends.
(Il sort.)
PROSPERO, à Ferdinand.-Songe à tenir ta parole; ne donne pas trop de liberté à tes caresses: lorsque le sang est enflammé, les serments les plus forts ne sont plus que de la paille. Sois plus retenu, ou autrement bonsoir à votre promesse.
FERDINAND.-Je la garantis, seigneur. Le froid virginal de la blanche neige qui repose sur mon coeur amortit l'ardeur de mes sens16.
Note 16: Of my liver, de mes reins.
PROSPERO.-Bien. (A Ariel.) Allons, mon Ariel, viens maintenant; amène un supplément plutôt que de manquer d'un seul esprit. Parais-ici, et vivement… (A Ferdinand.) Point de langue; tout yeux; du silence.
(Une musique douce.)
Masque17.
Note 17: Le masque était une représentation allégorique qu'on donnait aux mariages des princes et aux fêtes des cours.
(Entre Iris.)
IRIS.-Cérès, bienfaisante déesse, laisse tes riches plaines de froment, de seigle, d'orge, de vesce, d'avoine et de pois; tes montagnes herbues où vivent les broutantes brebis, et tes plates prairies où elles sont tenues à couvert sous le chaume; tes sillons aux bords bien creusés et fouillés qu'Avril, gonflé d'humidité, embellit à ta voix, pour former de chastes couronnes aux froides nymphes; et tes bois de genêts qu'aime le jeune homme délaissé par la jeune fille qu'il aime; et tes vignobles ceints de palissades; et tes grèves stériles hérissées de rocs où tu vas respirer le grand air: la reine du firmament, dont je suis l'humide arc-en-ciel et la messagère, te le demande, et te prie de venir ici sur ce gazon partager les jeux de sa souveraine grandeur; ses paons volent vite: approche, riche Cérès, pour la recevoir.
(Entre Cérès.)
CÉRÈS.-Salut, messagère aux diverses couleurs, toi qui ne désobéis jamais à l'épouse de Jupiter; toi qui de tes ailes de safran verses sur mes fleurs des rosées de miel et de fines pluies rafraîchissantes, et qui des deux bouts de ton arc bleu couronnes mes espaces boisés et mes plaines sans arbrisseaux; toi qui fais une riche écharpe à ma noble terre: pourquoi ta reine m'appelle-t-elle ici sur la verdure de cette herbe menue?
IRIS.-Pour célébrer une alliance de vrai amour, et pour doter généreusement ces bienheureux amants.
CÉRÈS.-Dis-moi, arc céleste, sais-tu si Vénus ou son fils accompagnent la reine? Depuis qu'ils ont tramé le complot qui livra ma fille au ténébreux Pluton, j'ai fait serment d'éviter la honteuse société de la mère et de son aveugle fils.
IRIS.-Ne crains point sa présence ici. Je viens de rencontrer sa divinité fendant les nues vers Paphos, et son fils avec elle traîné par ses colombes. Ils croyaient avoir jeté quelque charme lascif sur cet homme et cette jeune fille, qui ont fait serment qu'aucun des mystères du lit nuptial ne serait accompli avant que l'hymen n'eût allumé son flambeau; mais en vain: l'amoureuse concubine de Mars s'en est retournée; sa mauvaise tête de fils a brisé ses flèches; il jure de n'en plus lancer, et désormais, jouant avec les passereaux, de n'être plus qu'un enfant.
CÉRÈS.-La plus majestueuse des reines, l'auguste Junon s'avance: je la reconnais à sa démarche.
(Entre Junon.)
JUNON.-Comment se porte ma bienfaisante soeur? Venez avec moi bénir ce couple, afin que leur vie soit prospère, et qu'ils se voient honorés dans leurs enfants.
(Elle chante.)
Honneur, richesses, bénédictions du mariage;
Longue continuation et accroissement de bonheur;
Joie de toutes les heures soit et demeure sur vous.
Junon chante sur vous sa bénédiction.
CÉRÈS.
Produits du sol, surabondance,
Granges et greniers toujours remplis;
Vignes couvertes de grappes pressées;
Plantes courbées sous leurs riches fardeaux;
Le printemps revenant pour vous au plus tard
A la fin de la récolte;
La disette et le besoin toujours loin de vous;
Telle est pour vous la bénédiction de Cérès.
FERDINAND.-Voilà la vision la plus majestueuse, les chants les plus harmonieux!… Y a-t-il de la hardiesse à croire que ce soient là des esprits?
PROSPERO.-Ce sont des esprits que par mon art j'ai appelés des lieux où ils sont retenus, pour exécuter ces jeux de mon imagination.
FERDINAND.-O que je vive toujours ici! Un père, une épouse, si rares, si merveilleux, font de ce lieu un paradis.
(Junon et Cérès se parlent bas, et envoient Iris faire un message.)
PROSPERO.-Silence, mon fils: Junon et Cérès s'entretiennent sérieusement tout bas. Il reste quelque autre chose à faire. Chut! pas une syllabe, ou notre charme est rompu.
IRIS.-Vous qu'on appelle naïades, nymphes des ruisseaux sinueux, avec vos couronnes de jonc et vos regards toujours innocents, quittez l'onde ridée, et venez sur ce gazon vert obéir au signal qui vous appelle: Junon l'ordonne. Hâtez-vous, chastes nymphes; aidez-nous à célébrer une alliance de vrai amour: ne vous faites pas attendre.