La Tempête - Шекспир Уильям. Страница 6

Écoutez, je les entends: ding dong, glas.

REFRAIN.

Ding dong.

FERDINAND.-Ce couplet est en mémoire de mon père noyé. Ce n'est point là l'ouvrage des mortels, ni un son que puisse rendre la terre. Je l'entends maintenant au-dessus de ma tête.

PROSPERO, à Miranda.-Relève les rideaux frangés de tes yeux; et, dis-moi, qu'aperçois-tu là-bas?

MIRANDA.-Qu'est-ce que c'est? Un esprit? Bon Dieu, comme il regarde autour de lui! Croyez-moi, seigneur, il a une forme bien noble. Mais c'est un esprit.

PROSPERO.-Non, jeune fille; il mange, il dort, il a des sens comme nous, les mêmes que nous. Ce beau jeune homme que tu vois s'est trouvé dans le naufrage, et s'il n'était un peu flétri par la douleur (ce poison de la beauté), tu pourrais le nommer une charmante créature. Il a perdu ses compagnons, et il erre dans l'île pour les trouver.

MIRANDA.-Je pourrais bien le nommer un objet divin, car jamais je n'ai rien vu de si noble dans la nature.

PROSPERO, à part. Les choses vont au gré de ma volonté. Esprit, charmant esprit, je te délivrerai dans deux jours pour ta récompense.

FERDINAND.-Oh! sûrement voici la déesse que suivent ces chants!-Souffrez que ma prière obtienne de vous de savoir si vous habitez cette île et si vous consentirez à me donner quelque utile instruction sur la manière dont je dois m'y conduire. Ma première requête, quoique je la prononce la dernière, c'est que vous m'appreniez, ô vous merveille, si vous êtes ou non une fille de la terre4.

Note 4: If you be made or no. (Si vous êtes ou non un être créé.) Miranda répond: Not wonder, sir; But certainly a maid. (Pas une merveille, Seigneur; mais certainement une fille.) Il y a ici équivoque entre made et maid, qui se prononcent de même. Mais ce n'est point un pur jeu de mots, c'est une véritable erreur de Miranda, et qui convient à la naïveté de son caractère: on a été obligé, pour en conserver l'effet, de s'écarter un peu du sens littéral de la question de Ferdinand.

MIRANDA.-Je ne suis point une merveille, seigneur. Mais pour fille, bien certainement je le suis.

FERDINAND.-Ma langue! ô ciel! Je serais le premier de ceux qui parlent cette langue si je me trouvais là où elle se parle.

PROSPERO.-Comment? le premier? Eh! que serais-tu si le roi de Naples t'entendait?

FERDINAND.-Ce que je suis maintenant, un être isolé qui s'étonne de t'entendre parler du roi de Naples. Hélas! il m'entend et c'est parce qu'il m'entend que je pleure. C'est moi qui suis le roi de Naples, moi qui de mes yeux, dont le flux de larmes ne s'est point arrêté depuis cet instant, ai vu le roi mon père englouti dans les flots.

MIRANDA.-Hélas! miséricorde!

FERDINAND.-Oui, et avec lui tous ses seigneurs, et le duc de Milan et son brave fils tous deux ensemble.

PROSPERO.-Le duc de Milan et sa plus noble fille pourraient te démentir s'il était à propos de le faire en ce moment.-(A part.) Dès la première vue ils ont échangé leurs regards. Gentil Ariel, ceci te vaudra ta liberté.-(Haut.) Un mot, mon seigneur: je crains que vous ne vous soyez un peu compromis. Un mot.

MIRANDA.-Pourquoi mon père parle-t-il si rudement? C'est là le troisième homme que j'aie jamais vu; c'est le premier pour qui j'aie soupiré. Puisse la pitié disposer mon père à pencher du même côté que moi!

FERDINAND.-Oh! si vous êtes une vierge, et que votre coeur soit encore libre, je vous ferai reine de Naples.

PROSPERO.-Doucement, jeune homme: un mot encore. (A part.) Les voilà au pouvoir l'un de l'autre. Mais il faut que je rende difficile cette affaire si prompte, de peur que si les fatigues de la conquête sont trop légères, le prix n'en paraisse léger.-Un mot de plus. Je t'ordonne de me suivre: tu usurpes ici un nom qui ne t'appartient pas. Tu t'es introduit dans cette île comme un espion pour m'en dépouiller, moi qui en suis le maître.

FERDINAND.-Non, comme il est vrai que je suis un homme.

MIRANDA.-Rien de méchant ne peut habiter dans un semblable temple. Si le mauvais esprit a une si belle demeure, les gens de bien s'efforceront de demeurer avec lui.

PROSPERO, à Ferdinand.-Suis-moi.-Vous, ne me parlez pas pour lui; c'est un traître.-Viens, j'attacherai d'une même chaîne tes pieds et ton cou: tu boiras l'eau de la mer, et tu auras pour ta nourriture les coquillages des eaux vives, les racines desséchées, et les cosses où a été renfermé le gland. Suis-moi.

FERDINAND.-Non, jusqu'à ce que mon ennemi soit plus puissant que moi, je résisterai à un pareil traitement.

(Il tire son épée.)

MIRANDA.-O mon bien-aimé père, ne le tentez pas avec trop d'imprudence. Il est doux et non pas craintif.

PROSPERO.-Eh! dites donc, mon pied voudrait me servir de gouverneur!-Lève donc ce fer, traître qui dégaînes et qui n'oses frapper, tant ta conscience est préoccupée de ton crime! Cesse de te tenir en garde, car je pourrais te désarmer avec cette baguette, et faire tomber ton épée.

MIRANDA.-Mon père, je vous conjure.

PROSPERO.-Loin de moi. Ne te suspens pas ainsi à mes vêtements.

MIRANDA.-Seigneur, ayez pitié… Je serai sa caution.

PROSPERO.-Tais-toi, un mot de plus m'obligera à te réprimander, si ce n'est même à te haïr. Comment! prendre la défense d'un imposteur!-Paix.-Tu t'imagines qu'il n'y a pas au monde de figures pareilles à la sienne; tu n'as vu que Caliban et lui. Petite sotte, c'est un Caliban auprès de la plupart des hommes, ils sont des anges auprès de lui.

MIRANDA.-Mes affections sont donc des plus humbles: je n'ai point l'ambition de voir un homme plus parfait que lui.

PROSPERO, à Ferdinand.-Allons, obéis. Tes nerfs sont retombés dans leur enfance; ils ne possèdent aucune vigueur.

FERDINAND.-En effet; mes forces sont toutes enchaînées comme dans un songe. La perte de mon père, cette faiblesse que je sens, le naufrage de tous mes amis, et les menaces de cet homme par qui je me vois subjugué, me seraient des peines légères, si, seulement une fois par jour, je pouvais au travers de ma prison voir cette jeune fille. Que la liberté fasse usage de toutes les autres parties de la terre; il y aura assez d'espace pour moi dans une telle prison.

PROSPERO.-L'ouvrage marche.-Avance.-Tu as bien travaillé, mon joli Ariel. (A Ferdinand et à Miranda.) Suivez-moi. (A Ariel.) Écoute ce qu'il faut que tu me fasses encore.

MIRANDA.-Prenez courage. Mon père, seigneur, est d'un meilleur naturel qu'il ne le paraît à ce langage: le traitement que vous venez d'en recevoir est quelque chose d'inaccoutumé.

PROSPERO.-Tu seras libre comme le vent des montagnes, mais exécute de point en point mes ordres.

ARIEL.-A la lettre.

PROSPERO.-Allons, suivez-moi.-Ne me parle pas pour lui.

(Ils sortent.)

Fin du premier acte.