Contes Merveilleux Tome II - Grimm Jakob et Wilhelm. Страница 32
Le paysan s’appretait un jour a aller abattre du bois dans la foret et il se disait a lui-meme:
– Ah! si j’avais quelqu’un qui voulut conduire ma charrette!
– Pere, s’ecria Tom Pouce, je la conduirai bien, vous pouvez vous reposer sur moi, elle arrivera dans le bois a temps.
L’homme se mit a rire.
– Comment cela est-il possible, dit-il, tu es beaucoup trop petit pour conduire, le cheval par la bride.
– Ca ne fait rien, si maman veut atteler je m’installerai dans l’oreille du cheval et je lui crierai ou il faudra qu’il aille.
– Eh bien, dit le pere, nous allons essayer.
La mere attela et installa Tom Pouce dans l’oreille du cheval. Le petit homme lui cria le chemin qu’il fallait prendre. «Hue! dia! Rue! dia!» et le cheval marcha ainsi, comme, s’il eut ete guide, par un veritable charretier; la charrette arriva dans le bois par la bonne route.
Au moment ou la voiture tournait au coin d’une haie, tandis que, le petit criait: Dia, Dia! deux etrangers vinrent a passer.
– Voila, s’ecria l’un d’eux, une charrette qui marche sans que l’on voie le charretier et cependant on entend sa voix.
– C’est etrange, en effet, dit l’autre, suivons-la et voyons ou elle s’arretera.
Elle poursuivit sa route et s’arreta juste a l’endroit ou se trouvait le bois abattu.
Quand Tom Pouce, apercut son pere, il lui cria:
– Vois-tu, pere, me voila avec la voiture, maintenant viens me faire descendre.
Le pere saisit la bride du cheval de la main gauche et de la main droite retira de l’oreille son fils et le deposa a terre. Celui-ci s’assit joyeusement sur un fetu. En voyant Tom Pouce les deux etrangers ne surent que dire dans leur etonnement.
L’un d’eux prit l’autre a part et lui dit:
– Ecoute, ce petit etre ferait notre fortune si nous l’exhibions pour de l’argent dans une grande ville. Achetons-le.
Ils s’adresserent au paysan et lui dirent:
– Vendez-nous ce petit bonhomme, nous en aurons bien soin.
– Non, repond le pere, c’est mon enfant et il n’est pas a vendre pour tout l’or du monde.
Cependant, en entendant cette proposition, Tom Pouce avait grimpe le long des plis des vetements de son Pere. Il se posa sur son epaule et de la lui souffla dans l’oreille:
– Livrez-moi toujours, pere, je saurai bien revenir.
Son pere le donna donc aux deux hommes pour une belle piece d’or.
– Ou veux-tu te, mettre lui demanderent-ils.
– Posez-moi sur le bord de votre chapeau, je pourrai m’y promener et voir le paysage; je ne tomberai pas.
Ils firent comme il le demanda et quand Tom Pouce eut fait ses adieux a son pere ils l’emmenerent avec eux. Ils marcherent ainsi jusqu’au soir. A ce moment le petit homme leur dit:
– Posez-moi un peu par terre, j’ai besoin de descendre.
L’homme ota son chapeau et en retira Tom Pouce qu’il deposa dans un champ pres de la route. Aussitot il s’enfuit parmi les mottes de terre, puis il se glissa dans un trou de souris qu’il avait cherche expres.
– Bonsoir, mes amis, rentrez sans moi, leur cria-t-il d’un ton moqueur.
Ils voulurent le rattraper et fourragerent avec des baguettes le trou de souris, peine perdue. Tom Pouce s’y enfonca toujours plus avant, et, comme la nuit etait venue tout a fait, ils durent rentrer chez eux en colere et les mains vides.
Quand ils furent partis, Tom Pouce sortit de sa cachette souterraine. Il est dangereux de s’aventurer de nuit dans les champs, on a vite fait de se casser une jambe. Il rencontra par bonheur une coque vide d’escargot.
– Je pourrai passer ici la nuit en surete; et il s’y installa. Sur le point de s’endormir, il entendit passer deux hommes dont l’un dit:
– Comment s’y prendre pour derober son or et son argent a ce richard de cure?
– Je vais vous le dire, interrompit Tom Pouce.
– Que veut dire ceci s’ecria l’un des voleurs effrayes; j’ai entendu quelqu’un parler.
Ils s’arreterent et preterent l’oreille. Tom Pouce repeta:
– Emmenez-moi, je vous aiderai.
– Mais ou es-tu?
– Cherchez par, terre, repondit-il, et du cote d’ou vient la voix.
Les voleurs finirent par le trouver.
– Comment peux-tu avoir la pretention de nous etre utile, petit drole? lui demanderent-ils.
– Je me glisserai a travers les barreaux dans la fenetre du cure, et vous passerai tout ce que vous voudrez.
– C’est bien, repondirent-ils, nous allons voir ce que tu sais faire.
Quand ils furent arrives au presbytere, Tom Pouce se coula dans la chambre du cure, puis il se mit a crier de toutes ses forces:
– Voulez-vous tout ce qu’il y a ici?
Les voleurs furent effrayes et ils lui dirent:
– Parle plus bas, tu vas eveiller tout le monde.
Mais Tom Pouce feignit de ne pas avoir entendu et cria de nouveau:
– Qu’est-ce que vous desirez? Voulez-vous tout ce qu’il y a ici?
La servante qui reposait dans la chambre contigue entendit ces mots, elle se leva sur son seant et preta l’oreille. Les voleurs avaient commence a battre en retraite, mais ils reprirent courage, et, pensant que le petit drole voulait s’amuser a leurs depens, ils revinrent sur leurs pas et lui dirent tout bas:
– Allons, sois serieux et passe-nous quelque chose.
Alors Tom Pouce cria encore une fois, le plus fort qu’il put:
– Je vous passerai tout; tendez-moi les mains.
Cette fois, la servante entendit bien nettement, elle sauta a bas de son lit et se precipita vers la porte. Les voleurs s’enfuirent comme si le diable eut ete a leurs trousses, mais n’ayant rien remarque, la servante alla allumer une chandelle. Quand elle revint, Tom Pouce alla se cacher dans le foin, et la servante, ayant fouille, partout sans avoir rien pu decouvrir, crut avoir reve les yeux ouverts et alla se recoucher.
Tom Pouce s’etait blotti dans le foin et s’y etait arrange une bonne, place, pour dormir; il comptait s’y reposer jusqu’au jour et puis retourner chez ses parents. Mais il dut en voir bien d’autres, car ce monde est plein de peines et de, miseres. La servante se leva des l’aurore, pour donner a manger aux bestiaux. Sa premiere visite fut pour la grange ou elle prit une brassee du foin la ou se trouvait precisement endormi le pauvre Tom. Mais il dormait d’un sommeil si profond qu’il ne s’apercut de rien et ne s’eveilla que quand il fut dans la bouche d’une vache qui l’avait pris avec son foin.