Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm. Страница 27

– Non! repondit l’ecolier. Pas une deuxieme fois! Quand on a menace ma vie une fois, je ne libere pas mon ennemi apres avoir reussi a le mettre hors d’etat de nuire.

– Si tu me rends la liberte, dit l’esprit, je te donnerai tant de richesses que tu en auras assez pour toute ta vie.

– Non! reprit le garcon. Tu me tromperais comme la premiere fois.

– Par legerete, tu vas manquer ta chance, dit l’esprit. Je ne te ferai aucun mal et je te recompenserai richement.

L’ecolier pensa: «Je vais essayer. Peut-etre tiendra-t-il parole.» Il enleva le bouchon et, comme la fois precedente, l’esprit sortit de la bouteille, grandit et devint gigantesque.

– Je vais te donner ton salaire, dit-il. Il tendit au jeune homme un petit chiffon qui ressemblait a un pansement et dit:

– Si tu en frottes une blessure par un bout, elle guerira. Si, par l’autre bout, tu en frottes de l’acier ou du fer, ils se transformeront en argent.

– Il faut d’abord que j’essaie, dit l’ecolier.

Il s’approcha d’un arbre, en fendit l’ecorce avec sa hache et toucha la blessure avec un bout du chiffon. Elle se referma aussitot.

– C’etait donc bien vrai, dit-il a l’esprit. Nous pouvons nous separer.

L’esprit le remercia de l’avoir libere; l’ecolier le remercia pour son cadeau et partit rejoindre son pere.

– Ou etais-tu donc? lui demanda celui-ci. Pourquoi as-tu oublie ton travail? Je te l’avais bien dit que tu ne t’y ferais pas!

– Soyez tranquille, pere, je vais me rattraper.

– Oui, te rattraper! dit le pere avec colere. Ce n’est pas une methode!

– Regardez, pere, je vais frapper cet arbre si fort qu’il en tombera.

Il prit son chiffon, en frotta sa hache et assena un coup formidable. Mais, comme le fer etait devenu de l’argent, le fil de la hache s’ecrasa.

– Eh! pere, regardez la mauvaise hache que vous m’avez donnee! La voila toute tordue.

Le pere en fut bouleverse et dit:

– Qu’as-tu fait! Il va me falloir payer cette hache. Et avec quoi? Voila ce que me rapporte ton travail!

– Ne vous fachez pas, dit le fils; je paierai la hache moi-meme.

– Imbecile, cria le vieux, avec quoi la paieras-tu? Tu ne possedes rien d’autre que ce que je t’ai donne. Tu n’as en tete que des betises d’etudiant et tu ne comprends rien au travail du bois.

Un moment apres, l’ecolier dit:

– Pere, puisque je ne puis plus travailler, arretons-nous.

– Quoi! dit le vieux. T’imagines-tu que je vais me croiser les bras comme toi? Il faut que je travaille. Toi, tu peux rentrer.

– Pere, je suis ici pour la premiere fois. Je ne retrouverai jamais le chemin tout seul. Venez avec moi.

Le pere, dont la colere s’etait calmee, se laissa convaincre et partit avec son fils. il lui dit:

– Va et vends la hache endommagee. On verra bien ce que tu en tireras. Il faudra que je gagne la difference pour payer le voisin.

Le fils prit la hache et la porta a un bijoutier de la ville. Celui-ci la mit sur la balance et dit.

– Elle vaut quatre cents deniers. Mais je n’ai pas autant d’argent liquide ici.

– Donnez- moi ce que vous avez; vous me devrez le reste, repondit le garcon.

Le bijoutier lui donna trois cents deniers et reconnut lui en devoir encore cent autres. L’ecolier rentra a la maison et dit:

– Pere, j’ai l’argent. Allez demander au voisin ce qu’il veut pour sa hache.

– Je le sais deja, repondit le vieux: un denier et six sols.

– Eh bien! donnez lui deux deniers et douze sols. Ca fait le double et c’est bien suffisant. Regardez, j’ai de l’argent de reste.

Il donna cent deniers a son pere et reprit:

– Il ne vous en manquera jamais. Vivez a votre guise.

– Seigneur Dieu! s’ecria le vieux, comment as-tu acquis une telle richesse?

L’ecolier lui raconta ce qui s’etait passe et comment, en comptant sur sa chance, il avait fait si bonne fortune. Avec l’argent qu’il avait en surplus, il repartit vers les hautes ecoles et reprit ses etudes. Et comme, avec son chiffon, il pouvait guerir toutes les blessures, il devint le medecin le plus celebre du monde entier.

La Fiancee du petit lapin

Il etait une fois une femme avec sa fille qui avaient un beau jardin de choux. Un lapin y vint, a la saison d’hiver, et voila qu’il leur mangeait tous les choux. Alors la femme dit a sa fille:

– Va au jardin et chasse-moi le lapin!

– Ouste! ouste! dit la fille. Petit lapin, tu nous boulottes tous les choux!

– Viens, fillette, dit le lapin, mets-toi sur ma queue de petit lapin et suis-moi dans ma chaumiere de petit lapin.

La fille ne veut pas.

Le lendemain, revient le petit lapin qui mange encore les choux, et la femme dit a sa fille:

– Va au jardin et chasse-moi le lapin!

– Ouste! ouste! dit la fille. Petit lapin, encore tu nous boulottes nos choux!

– Viens, fillette, dit le lapin, mets-toi sur ma queue de petit lapin et suis-moi dans ma chaumiere de petit lapin.

La fille ne veut pas.

Le surlendemain, voila le petit lapin revenu, en train de boulotter les choux. Alors, la mere dit a sa fille:

– Va au jardin et chasse-moi le lapin!

– Viens, fillette, dit le lapin, mets-toi sur ma queue de petit lapin et suis-moi dans ma chaumiere de petit lapin.

La fille s’assied sur le petit bout de queue du lapin, qui file au loin et la mene dans sa chaumiere.

– Maintenant, fillette, fais bouillir le chou vert et le millet, je vais inviter les gens de la noce.

Et les invites de la noce arriverent tous ensemble. Mais qui etaient les gens de la noce? Je peux te le dire parce que c’est ce qu’on m’a raconte: les invites, c’etaient tous les lapins, et le corbeau y etait venu aussi comme cure pour unir les epoux, et le renard etait le sacristain, et l’autel sous l’arc-en-ciel.

Mais la fillette se sentait triste: elle etait toute seule.

Arrive le petit lapin, qui lui dit:

– Viens servir! Viens servir! Les invites sont gais!