Contes Merveilleux Tome I - Grimm Jakob et Wilhelm. Страница 35
Grethel, elle, courut aussi vite qu'elle le pouvait chez Hansel. Elle ouvrit la petite etable et dit:
– Hansel, nous sommes libres! La vieille sorciere est morte!
Hansel bondit hors de sa prison, aussi rapide qu'un oiseau dont on vient d'ouvrir la cage. Comme ils etaient heureux! Comme ils se prirent par le cou, danserent et s'embrasserent! N'ayant plus rien a craindre, ils penetrerent dans la maison de la sorciere. Dans tous les coins, il y avait des caisses pleines de perles et de diamants.
– C'est encore mieux que mes petits cailloux! dit Hansel en remplissant ses poches.
Et Grethel ajouta
– Moi aussi, je veux en rapporter a la maison!
Et elle en mit tant qu'elle put dans son tablier.
– Maintenant, il nous faut partir, dit Hansel, si nous voulons fuir cette foret ensorcelee.
Au bout de quelques heures, ils arriverent sur les bords d'une grande riviere.
– Nous ne pourrons pas la traverser, dit Hansel, je ne vois ni passerelle ni pont.
– On n'y voit aucune barque non plus, dit Grethel. Mais voici un canard blanc. Si Je lui demande, il nous aidera a traverser. Elle cria:
– Petit canard, petit canard,
Nous sommes Hansel et Grethel.
Il n'y a ni barque, ni gue, ni pont,
Fais-nous passer avant qu'il ne soit tard.
Le petit canard s'approcha et Hansel se mit a califourchon sur son dos. Il demanda a sa s?ur de prendre place a cote de lui.
Dessin de Walter Crane
– Non, repondit-elle, ce serait trop lourd pour le canard. Nous traverserons l'un apres l'autre.
La bonne petite bete les mena ainsi a bon port. Quand ils eurent donc passe l'eau sans dommage, ils s'apercurent au bout de quelque temps que la foret leur devenait de plus en plus familiere. Finalement, ils virent au loin la maison de leur pere. Ils se mirent a courir, se ruerent dans la chambre de leurs parents et sauterent au cou de leur pere. L'homme n'avait plus eu une seule minute de bonheur depuis qu'il avait abandonne ses enfants dans la foret. Sa femme etait morte. Grethel secoua son tablier et les perles et les diamants roulerent a travers la chambre. Hansel en sortit d'autres de ses poches, par poignees. C'en etait fini des soucis. Ils vecurent heureux tous ensemble.
Histoire de celui qui s'en alla apprendre la peur
Un pere avait deux fils. Le premier etait reflechi et intelligent. Il savait se tirer de toute aventure. Le cadet en revanche etait sot, incapable de comprendre et d'apprendre. Quand les gens le voyaient, ils disaient: «Avec lui, son pere n'a pas fini d'en voir.» Quand il y avait quelque chose a faire, c'etait toujours a l'aine que revenait la tache, et si son pere lui demandait d'aller chercher quelque chose, le soir ou meme la nuit, et qu'il fallait passer par le cimetiere ou quelque autre lieu terrifiant, il repondait: «Oh non! pere, je n'irai pas, j'ai peur.» Car il avait effectivement peur. Quand, a la veillee, on racontait des histoires a donner la chair de poule, ceux qui les entendaient disaient parfois: «Ca me donne le frisson!» Le plus jeune des fils, lui, assis dans son coin, ecoutait et n'arrivait pas a comprendre ce qu'ils voulaient dire. «Ils disent toujours: “ca me donne la chair de poule! ca me fait frissonner!” Moi, jamais! Voila encore une chose a laquelle je ne comprends rien.» Il arriva qu'un jour son pere lui dit:
– Ecoute voir, toi, la dans ton coin! Tu deviens grand et fort. Il est temps que tu apprennes a gagner ton pain. Tu vois comme ton frere se donne du mal.
– Eh! pere, repondit-il, j'apprendrais bien volontiers. Si c'etait possible, je voudrais apprendre a frissonner. C'est une chose que j'ignore totalement.
Lorsqu'il entendit ces mots, l'aine des fils songea: «Seigneur Dieu! quel cretin que mon frere! Il ne fera jamais rien de sa vie.» Le pere reflechit et dit:
– Tu apprendras bien un jour a avoir peur. Mais ce n'est pas comme ca que tu gagneras ton pain.
Peu de temps apres, le bedeau vint en visite a la maison. Le pere lui conta sa peine et lui expliqua combien son fils etait peu doue en toutes choses.
– Pensez voir! Quand je lui ai demande comment il ferait pour gagner son pain, il a dit qu'il voulait apprendre a frissonner!
– Si ce n'est que ca, repondit le bedeau, je le lui apprendrai. Confiez-le-moi.
Le pere etait content; il se disait: «On va le degourdir un peu.» Le bedeau l'amena donc chez lui et lui confia la tache de sonner les cloches. Au bout de quelque temps, son maitre le reveilla a minuit et lui demanda de se lever et de monter au clocher pour carillonner. «Tu vas voir ce que c'est que d'avoir peur», songeait-il. Il quitta secretement la maison et quand le garcon fut arrive en haut du clocher, comme il s'appretait a saisir les cordes, il vit dans l'escalier, en dessous de lui, une forme toute blanche.
– Qui va la? cria-t-il.
L'apparition ne repondit pas, ne bougea pas.
– Reponds! cria le jeune homme. Ou bien decampe! Tu n'as rien a faire ici!
Le bedeau ne bougeait toujours pas. Il voulait que le jeune homme le prit pour un fantome. Pour la deuxieme fois, celui-ci cria:
– Que viens-tu faire ici? Parle si tu es honnete homme. Sinon je te jette au bas de l'escalier.
Le bedeau pensa: «Il n'en fera rien.» Il ne repondit pas et resta sans bouger. Comme s'il etait de pierre. Alors le garcon l'avertit pour la troisieme fois et comme le fantome ne repondait toujours pas, il prit son elan et le precipita dans l'escalier. L'apparition degringola d'une dizaine de marches et resta la allongee. Le garcon fit sonner les cloches, rentra a la maison, se coucha sans souffler mot et s'endormit.
La femme du bedeau attendit longtemps son mari. Mais il ne revenait pas. Finalement, elle prit peur, reveilla le jeune homme et lui demanda:
– Sais-tu ou est reste mon mari? Il est monte avant toi au clocher.
– Non, repondit-il, je ne sais pas. Mais il y avait quelqu'un dans l'escalier et comme cette personne ne repondait pas a mes questions et ne voulait pas s'en aller, je l'ai prise pour un coquin et l'ai jetee au bas du clocher. Allez-y, vous verrez bien si c'etait votre mari. Je le regretterais.
La femme s'en fut en courant et decouvrit son mari gemissant dans un coin, une jambe cassee. Elle le ramena a la maison, puis se rendit en poussant de grands cris chez le pere du jeune homme:
– Votre garcon a fait des malheurs, lui dit-elle. Il a jete mon mari au bas de l'escalier, ou il s'est casse une jambe. Debarrassez notre maison de ce vaurien!
Le pere etait bien inquiet. Il alla chercher son fils et lui dit: