Catherine des grands chemins - Бенцони Жюльетта. Страница 19

Quand Sara revint, elle trouva Catherine tout habillee, assise pres du brasero. La jeune femme leva la tete vers elle.

— Alors ?

— Ils sont persuades que Mac Laren conte fleurette a une fille d'auberge dans la bergerie. Ils se sont mis a table. Et nous, que faisons-nous ?

Catherine lui expliqua son plan hatif. Ce fut a Sara d'ouvrir de grands yeux.

— Tu veux faire passer ce grand corps par la fenetre ? Mais nous n'y arriverons jamais... ou alors nous allons nous rompre le cou.

— Il suffit de vouloir. D'ailleurs, va chercher Frere Etienne. Il faut qu'il soit averti. Nous aurons besoin de lui.

Sara ne discuta pas. Quand Catherine employait un certain ton, c'etait du temps perdu et elle le savait. Elle ressortit, revint au bout de quelques instants avec le cordelier qu'elle avait mis au courant en quelques mots. Frere Etienne en avait trop vu, dans sa vie d'aventures, pour s'etonner encore et il savait, en certains cas, se montrer remarquablement efficace. Il approuva entierement le plan de Catherine et se mit aussitot en devoir de l'aider a l'executer.

— Le temps d'une priere, fit-il, et je suis a vous.

Rapidement, il marmotta une oraison, a genoux

aupres du corps sans vie, traca au-dessus une hative benediction puis retrousser ses manches.

— Le mieux est que je sorte sur le toit, dit-il. Vous me passerez le corps et je me chargerai de le descendre.

— Mais il est grand et lourd malgre sa maigreur, objecta Catherine.

— J'ai plus de forces que vous ne le supposez, ma fille. Assez parle, a l'ouvrage !

Il aida Catherine et Sara a porter le cadavre pres de la fenetre, se glissa au-dehors. Le froid semblait plus vif, mais la nuit etait calme.

Dans la salle du bas, les Ecossais, sans doute convenablement repus et abreuves, devaient dormir car on n'entendait plus guere de bruit. Le corps du malheureux Mac Laren etait deja rigide et d'un maniement difficile. Catherine et Sara durent unir leurs efforts pour le hisser jusqu'a la fenetre. Malgre le froid, toutes deux ruisselaient de sueur et serraient les dents sur leur angoisse. Si quelqu'un les surprenait, Dieu seul savait ce qui pourrait leur arriver ! Sans doute, dans leur fureur, les Ecossais les pendraient-ils au premier arbre venu sans autre forme de proces... Mais non, personne ne se montra, aucun bruit ne se fit entendre. Sur le toit de l'auvent, Frere Etienne empoigna fermement le cadavre, le fit glisser jusqu'au rebord.

— Que l'une de vous deux vienne jusqu'ici pour le retenir pendant que je descendrai, souffla-t-il.

Sans hesiter, Catherine franchit a son tour la fenetre, descendit precautionneusement jusqu'au moine. Le toit de lauzes, rendu glissant par la neige, etait d'un parcours malaise, mais la jeune femme parvint sans encombre au bord de la pente et maintint le corps tandis que Frere Etienne, avec une souplesse inattendue, se laissait glisser a terre.

— J'y suis ! laissez-le aller maintenant, doucement..., tout doucement ! la, je le tiens ! Regagnez votre chambre, je suffirai pour le reste.

— Comment rentrerez-vous ?

— Par la porte, tout simplement. L'habit que je porte permet d'aller et venir comme on veut sans eveiller de soupcons. Ce n'est pas la premiere fois que j'en fais l'experience. Il y a meme des moments ou je me demande si ce n'est pas uniquement pour cela que je suis entre au couvent.

Catherine devina son sourire mais n'y repondit pas. Maintenant que le corps avait disparu de sa vue, elle eprouvait le contrecoup de la tension nerveuse qu'elle venait de subir. Un instant, elle demeura la, au bord du toit, fermant les yeux pour lutter contre un brusque vertige, cherchant a retrouver un equilibre qui la fuyait. Le ciel et la terre s'etaient mis a danser autour d'elle une ronde echevelee...

— Ca ne va pas ? souffla la voix inquiete de Sara. Veux-tu que j'aille te chercher ?

— Non... non, c'est inutile... Et puis, tu ne passerais pas par la fenetre !

Lentement, Catherine se mit a ramper sur les mains et les genoux.

L'impression de vertige se dissipait. Les mains de Sara la saisirent, la tirerent dans la piece ou, maintenant, il faisait un froid de loup. Avec l'aide de Sara la jeune femme alla s'asseoir sur un coin du lit, passa sur son front moite une main tremblante. Ses dents claquaient.

— Je vais chercher de quoi rallumer ce feu, dit Sara, et je te rapporterai un peu de soupe.

Tout en parlant, elle rallumait la chandelle puis considerait avec degout les draps taches de sang.

— Va falloir les bruler. Je m'arrangerai pour les payer discretement a l'aubergiste.

Catherine ne repondit pas. Sa pensee suivait Gauthier, galopant dans la nuit, retournant vers Michel et Montsalvy, et une peine amere emplissait son c?ur. Privee du solide rempart qu'il representait, les jours a venir lui semblaient singulierement assombris, encore plus menacants. Fallait-il donc voir se detacher d'elle, l'un apres l'autre, tous ceux qu'elle aimait le plus cherement ? Elle se retrouvait de nouveau seule, avec sa vieille Sara, pour rebatir une autre vie, mais, si triste que fussent ses pensees, elle refusait de se plaindre. Ce qui arrivait etait de sa faute, entierement de sa faute. Si elle avait chasse Mac Laren quand il s'etait penche sur elle, rien de tout cela ne serait arrive. Le jeune Ecossais vivrait encore et Gauthier ne serait pas lance, encore une fois, sur les dangereux chemins de l'aventure.

Quand Sara reapparut, portant a la fois des buches et une ecuelle de soupe, son majestueux visage brun refletait un grand contentement.

— Tout le monde dort, en bas. Les Ecossais ronflent a meme la table ou sur les bancs. Gauthier aura toute sa nuit pour les distancer.

Tout va bien.

— Tu n'es pas difficile ! Dis plutot que tout va aussi bien que cela peut aller quand on nage en plein desastre !

— Les choses se passerent exactement comme Catherine et Sara l'avaient prevu. L'un des Ecossais decouvrit, au jour levant, le cadavre de Mac Laren couche dans la neige pres de la bergerie et, tout de suite, Catherine, Sara et Frere Etienne se retrouverent au centre d'une veritable revolte. Le plus age des hommes d'armes, un soldat d'une cinquantaine d'annees qui se nommait Alan Scott, avait pris, tout naturellement, le commandement de ses camarades et ce fut lui qui, imposant le silence a la fureur des autres, fit connaitre aux trois voyageurs la volonte du groupe. Desole, dame, dit-il a Catherine.

Mais la mort de notre chef, nous voulons la venger.

— Sur qui, sur quoi ? Comment pouvez-vous etre surs que le meurtrier...

— ...est votre ecuyer ? Le coup de hache est significatif.

— Les hommes d'ici se servent aussi de hache, retorqua nerveusement Catherine. Sara vous a dit qu'elle a vu Mac Laren se diriger vers la bergerie avec une fille d'auberge.

— Il faudrait savoir d'abord qui etait cette fille d'auberge. Non, dame, inutile de discuter. Nous sommes decides a nous lancer a la poursuite de cet homme. Les traces sont nettes dans la neige.

D'ailleurs, s'il n'etait pas coupable, il serait reste.

— Lui auriez-vous donne une chance de se defendre ?

— Surement pas ! Et, au fond, il a eu raison de s'enfuir. Mais nous, il faut que nous le retrouvions. Poursuivez seule votre chemin.

— Est-ce la, fit Catherine avec hauteur, votre maniere d'executer les ordres du capitaine Kennedy ?

— Quand il saura ce qui s'est passe, Kennedy nous donnera raison.

Et puis, il semble que vous ne portiez pas bonheur, noble dame... et mes hommes ne veulent plus vous servir.

La colere s'empara de Catherine. Il etait inutile de discuter avec ces rustres aux idees etroites. Mais elle s'effrayait interieurement du chemin qu'il lui faudrait parcourir seule, ou presque. Elle ne montra cependant pas ce qu'elle eprouvait.

— C'est bon, fit-elle durement, allez-vous-en, je ne vous retiens pas !