Les Aventures De Pinocchio - Collodi Carlo. Страница 16
Pinocchio lui raconta par le menu l’inique entourloupe dont il avait ete la victime. Il lui fournit les noms, prenoms et signalements des deux malandrins et conclut en demandant qu’on lui fasse justice.
Le juge l’ecouta avec beaucoup de bienveillance. Il prit beaucoup d’interet au recit de la marionnette et meme exprima emotion et attendrissement. Puis, quand Pinocchio n’eut plus rien a dire, il allongea le bras et appuya sur le bouton d’une sonnette.
Immediatement, deux dogues habilles en gendarmes firent irruption dans la piece.
Le juge, montrant Pinocchio aux gendarmes, leur dit:
– On a vole quatre pieces d’or a ce pauvre diable: saisissez-le donc et conduisez-le tout de suite en prison.
Cette sentence inattendue petrifia la marionnette qui voulut protester. Mais les gendarmes, afin d’eviter toute perte de temps inutile, l’empecherent de parler et le jeterent en prison.
Il y resta quatre longs mois et il y serait encore s’il ne s’etait pas produit un evenement exceptionnel. Le jeune empereur qui regnait sur la ville d’«Attrape-nigauds» ayant, en effet, remporte une grande victoire sur ses ennemis, ordonna que soient organisees de grandes fetes populaires avec illuminations, feux d’artifice, courses de chevaux et de velocipedes. Et, pour que la joie soit a son comble, il fit ouvrir les portes des prisons et delivrer tous les voyous
– Puisqu’on libere tout le monde, je veux m’en aller moi aussi – dit Pinocchio a son geolier.
– Non, pas vous – repliqua ce dernier – Vous ne faites pas partie de ceux qui beneficient de cette mesure.
– Je vous demande bien pardon – insista Pinocchio – Moi aussi je suis un voyou.
– Dans ce cas, pas de probleme – admit le geolier.
Et, saluant respectueusement Pinocchio en soulevant sa casquette, il ouvrit la porte de la prison et le laissa partir.
Chapitre 20
La joie de Pinocchio quand il se retrouva libre est indicible. Sans demander son reste, il quitta la ville et reprit la route conduisant chez la fee.
Le temps etant a la pluie, le chemin etait devenu un vrai bourbier dans lequel on s’enfoncait jusqu’a mi-jambe.
Mais il ne s’en rendait meme pas compte.
Ne pensant qu’au plaisir de revoir son papa et sa petite s?ur a la chevelure bleue, il courait comme un levrier en faisant gicler la boue jusqu’a son bonnet.
Tout en courant, il se disait:
– Dans quels petrins je me suis fourre… Mais je ne l’ai pas vole! Je ne suis qu’un pantin tetu et susceptible qui veut tout faire comme il l’entend, sans suivre les conseils de ceux qui m’aiment et qui ont mille fois plus d’experience que moi! Mais, des a present, je prends la resolution de changer de vie et de devenir un garcon comme il faut et un enfant obeissant. Maintenant je sais que les enfants desobeissants font tout de travers et qu’il leur arrive toujours les pires desagrements. Est-ce qu’il m’aura attendu, mon papa? Vais-je le retrouver chez la fee? Il y a si longtemps que je ne l’ai pas vu qu’il me tarde de lui faire mille caresses et de le couvrir de baisers! Et la fee? Va-t-elle me pardonner ma mauvaise action? Quand je pense qu’elle s’est si bien occupee de moi en me prodiguant ses soins et en me donnant toute son affection! Si je suis encore vivant aujourd’hui, c’est bien grace a elle! Est-il possible d’etre plus ingrat que moi?
A ce point de son monologue interieur, Pinocchio s’arreta brusquement, effraye, et recula de quatre pas.
Qu’avait-il vu?
Il avait vu un grand serpent etendu sur toute la largeur du chemin. Sa peau etait verte, ses yeux rouges comme le feu et sa queue, dressee, fumait comme une cheminee.
Innommable est la peur qui avait saisi la marionnette. S’enfuyant le plus loin possible, Pinocchio s’assit sur un tas de cailloux en attendant que le serpent veuille bien retourner a ses affaires et liberer le passage.
Il attendit une heure, deux heures, trois heures… Le serpent etait toujours la-bas. Meme de loin, on voyait ses yeux de feu et la fumee qui sortait de sa queue.
Alors, s’armant de courage, il s’approcha et, d’une petite voix, susurra:
– Excusez-moi, Monsieur le Serpent, pourriez-vous me faire la grace de vous pousser un petit peu afin que je puisse passer?
Autant parler a un mur: le serpent ne fit pas un mouvement.
Pinocchio insista:
– Il faut que vous sachiez, Monsieur le Serpent, que je rentre retrouver mon papa qui m’attend et que je n’ai pas vu depuis longtemps. Consentez-donc, s’il vous plait, a me laisser poursuivre mon chemin.
Il attendit vainement une reponse. Le serpent qui, jusqu’a present, semblait alerte et plein de vie, ne bougeait plus du tout. Il avait meme une raideur toute cadaverique. Ses yeux etaient fermes et sa queue ne fumait plus.
– Serait-il vraiment mort? se demanda Pinocchio qui battit des mains de contentement.
Sans tarder, il entreprit de l’enjamber mais il avait a peine leve le pied que le serpent se dressa subitement, comme un ressort qui se detend. Affole, Pinocchio fit un bond en arriere, trebucha et tomba.
En fait, il tomba si mal qu’il se retrouva la tete enfoncee dans la boue et les jambes battant l’air.
En voyant cette marionnette a l’envers qui gigotait avec une frenesie incroyable, le serpent fut prit d’un fou-rire irrepressible qui finit par lui faire eclater une veine de la poitrine. Cette fois, il mourut vraiment.
Pinocchio reprit sa course afin d’arriver chez la fee avant la nuit. Mais en cours de route, comme il ne pouvait plus resister aux morsures de la faim, il penetra dans une vigne avec l’intention de cueillir quelques grappes de raisin muscat. C’etait la premiere fois qu’il faisait une chose pareille!
Or, il etait a peine a pied d’?uvre que, soudain, crac, il sentit que deux lames tranchantes mordaient ses jambes. Il en fut tout estourbi.
La pauvre marionnette etait tombee dans un piege pose la par des paysans desireux d’attraper quelque grosse fouine, fleau de tous les poulaillers du voisinage.