Les Aventures De Pinocchio - Collodi Carlo. Страница 18

Les quatre fouines, desormais rassurees, se dirigerent alors vers le poulailler qui etait tout pres de la niche du chien et, attaquant la porte a coups de griffes et de dents, se faufilerent l’une apres l’autre a l’interieur. Mais a peine etaient-elles entrees qu’elles entendirent se refermer violemment la porte.

C’etait Pinocchio qui venait de les enfermer. Et, non content d’avoir repousser la porte du poulailler, il la bloqua avec une grosse pierre.

Puis il se mit a aboyer, exactement comme l’aurait fait un vrai chien de garde.

Les aboiements reveillerent le paysan qui sauta du lit, prit son fusil et se pencha a la fenetre:

– Qu’est-ce qui se passe? – cria-t-il.

– Les voleurs de poules sont la – repondit Pinocchio.

– La? Ou?

– Dans le poulailler.

– J’arrive tout de suite.

Effectivement, le fermier fut dans la cour en un rien de temps. Il entra dans le poulailler, attrapa les fouines qu’il fourra dans un sac et leur dit:

– Enfin, je vous ai attrapees! Je pourrais vous punir moi-meme, mais je ne suis pas aussi mauvais. Je me contenterai de vous donner demain a l’aubergiste du village voisin. Apres vous avoir depecer, il vous cuisinera comme du gibier. C’est un honneur que vous ne meritez pas mais les hommes genereux comme moi ne s’arretent pas a ce genre de detail.

Puis, s’approchant de Pinocchio, le paysan lui prodigua moult signes de tendresse et lui demanda:

– Comment as-tu fait pour dejouer les manigances de ces quatre laronnes? Quand je pense que mon fidele Melampo, lui, ne s’est jamais apercu de rien!

Pinocchio aurait pu alors raconter ce qu’il savait sur le honteux pacte qui liait son chien aux fouines. Il n’en fit rien. Se rappelant que Melampo etait mort, il se dit: «Pourquoi accuser les morts? Les morts sont morts et la meilleure chose a faire est de les laisser reposer en paix!

– Quand les fouines sont arrivees, tu etais reveille ou tu dormais? – lui demanda encore le fermier.

– Je dormais mais les fouines m’ont reveille avec leurs bavardages. L’une d’elles est meme venue me dire que si je promettais de ne pas aboyer pour ne pas vous reveiller, j’aurais droit a un beau poulet tout prepare. Vous vous rendez compte? Avoir le culot de me faire, a moi, une telle proposition! Je suis une marionnette certes pleine de defauts, mais jamais je n’accepterais d’etre la complice de malhonnetes gens!

– Bravo, mon gars! – s’exclama le paysan en donnant a Pinocchio une tape amicale sur l’epaule.- De tels sentiments te font honneur. Pour te prouver ma satisfaction, je te rends ta liberte. Tu peux rentrer chez toi.

Et il lui ota le collier pour chien.

Chapitre 23

Pinocchio pleure la mort de la jolie fillette aux cheveux bleu-nuit puis il rencontre un pigeon qui l’emmene au bord de la mer. La, il se jette a l’eau pour sauver son papa Geppetto.

Des qu’il fut debarrasse de l’humiliant et inconfortable collier qui lui serrait le cou, Pinocchio reprit sa course a travers les champs jusqu’a ce qu’il eut rejoint la route qui conduisait chez la Fee.

Arrive sur la route, il se retourna pour regarder la plaine qui s’etendait au-dessous de lui. Il distingua fort bien le bois ou il avait eu le malheur de croiser le renard et le chat et meme, dominant les autres arbres, la cime du Grand Chene ou il fut pendu. Mais il eut beau scruter le paysage dans tous les sens, il ne parvenait pas a trouver la maisonnette de la fillette aux cheveux bleu-nuit.

Il eut alors un horrible pressentiment et fit appel a toutes les forces qui lui restaient pour atteindre en quelques minutes la clairiere ou aurait du se trouver la petite maison blanche. Mais il n’y avait plus de maison. Il n’y avait qu’un modeste bloc de marbre sur lequel etaient graves en caracteres d’imprimerie ces tristes mots:

CI-GIT

LA FILLETTE AUX CHEVEUX BLEUS

MORTE DE CHAGRIN

APRES AVOIR ETE ABANDONNEE

PAR SON PETIT FRERE PINOCCHIO

Ce que ressentit Pinocchio quand il eut dechiffre tant bien que mal cette inscription, je vous laisse l’imaginer. Il se jeta a terre et couvrit de baisers la pierre tombale tout en eclatant en sanglots. Il pleura la nuit entiere. Au lever du jour, il pleurait encore. Il pleura tant et tant que ses yeux n’avaient plus de larmes. Alentour, les collines avoisinantes renvoyaient l’echo de ses cris stridents et de ses lamentations dechirantes:

– O ma petite Fee, pourquoi es-tu morte? Pourquoi toi et pas moi, moi qui suis si mechant alors que toi, tu etais si bonne? Et mon papa, qu’est-il devenu? O ma petite Fee, dis-moi ou je pourrais le trouver car je veux rester avec lui pour toujours, ne plus jamais le quitter, jamais, jamais! O petite Fee, dis-moi que ce n’est pas vrai, que tu n’es pas morte! Si vraiment tu m’aimes, si tu aimes ton petit frere, alors renais, sois vivante, comme avant! Cela ne te fait rien de me voir abandonne de tous? Si les bandits revenaient et me pendaient encore a la branche d’un arbre, cette fois je mourrais pour de bon. Que veux-tu que je fasse tout seul dans ce vaste monde? Maintenant que j’ai perdu mon papa, qui va me donner a manger? Et la nuit, ou pourrai-je dormir? Qui va me tailler de nouveaux vetements? Oh ce serait mieux, cent fois mieux que je meure moi aussi! Oh oui, je veux mourir! Hi! Hi! Hi!

Au comble du desespoir, il fit le geste de s’arracher les cheveux. Mais ses cheveux etant en bois, il ne pouvait meme pas y passer la main.

A ce moment-la passa tres haut dans le ciel un gros pigeon qui, s’arretant un instant de battre des ailes, lui cria:

– Dis-moi, gamin, qu’est-ce que tu fais couche par terre?

– Tu ne le vois donc pas? Je pleure! – lui repondit Pinocchio en levant la tete et en se frottant les yeux avec la manche de sa veste.

– Dis-moi, – lui demanda encore le Pigeon – tu ne connaitrais pas, par hasard, parmi tes amis, une marionnette ayant pour nom Pinocchio?

La marionnette bondit sur ses pieds:

– Pinocchio? Tu as dit Pinocchio? Mais Pinocchio, c’est moi!

Le Pigeon descendit alors rapidement et vint se poser pres lui. Il etait plus gros qu’un dindon.

– Ainsi tu connaitrais Geppetto? – questionna le Pigeon.

– Si je le connais? Mais c’est mon papa! Il t’a parle de moi? Tu me conduis vers lui? Il est toujours vivant? Par pitie, reponds-moi! Est-ce qu’il est toujours vivant?

– Il y a trois jours, il etait sur une plage, au bord de la mer.

– Qu’est-ce qu’il faisait?